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Articles pour le mot-clé ‘professeur’

Deux mets par an

Je l’avoue, j’ai des problèmes d’ordre relationnel avec mes parents et plus généralement avec mes affiliés. Je ne suis pas proche du tout de mes parents que je vois quelques fois l’an. Pourquoi ? C’était une simple réaction de survie. Je devais m’extirper de ce milieu fermé. Bref, je me racontait une fable où mes parents étaient de très grands acteurs extrêmes, et qu’ils jouaient le même rôle que les parents de mon père, ceci dans le but de m’élever exactement comme mon oncle caché, Frank; qui me ressemble énormément, c’est normal, ses parents ont servi de modèle pour les miens. Peux-être même qu’ils ont reçu le manuel pour être ces parents qui donnent un Frank, en cadeau au Reader’s Digest ou par le service abonné des Dernières Nouvelles d’Alsace. Ma mère a été démarchée par un VRP de la maison d’édition, et elle a a cheté le bouquin. Bref, vous avez saisi l’idée. Je crains bien que je n’arriverais pas à trouver des qualités cachées, même très cachées, chez mes parents..

Tu as déjà vu un coprolite ? Ou marché dedans ?

Pourquoi l’évolution darwinienne de l’homme est un tabou ? L’on protège les espèces alors que l’on sait très bien qu’une infinitude d’espèces animales et végétales ont disparu dans l’anymomat qu’elles respectaient ? Si on détruit une espèce, elle ne reviendra plus car la variété s’amenuise. S’amenuise jusqu’à où ? L’homme semble ne pas pouvoir concevoir l’idée qui peut changer la nature à sa guise. On est chez nous, mince.

T’as une poche marsupiale ?

Je repensais hier à ma prof d’anglais que j’ai eue lors de ma première année de classe prépa. Quelle dame. Ou plutôt quelle demoiselle. A la cinquantaine passée, se faire appeler “Mademoiselle”, cela signifie ni plus ni moins que l’on a entre les mains (façon de parler) un professeur d’exception qui par l’abnégation et le renoncement a su atteindre la quintessence de la langue originelle germanique occidentale (ouioui, l’anglais est une langue normande). A sa stature imposante et martiale, on prend mieux la mesure de toutes ses privations dans l’ultime but d’atteindre la maîtrise de l’idiome parfait, et l’on se figure plus facilement ce que veut dire l’expression : avoir un balai dans le cul.

Je n’ai jamais rencontré de personne aussi autaine et méprisante. Elle prétendait à tout va avoir atteint une science telle de la langue angaise qu’elle ne le parlait pratiquement pas en cours, de peur sans doute que son accent si parfait nous subjugue et nous achève pour de bon. Elle essayait en vain de nous convaincre semaine après semaine d’ouvrir la machoire avant de commencer sa phrase. Mais ce conseil que je juge rétrospectivement brillant, personne ne l’entendait. Vingt ans après, je mets au défi n’importe quel camarade de classe de se rappeler de Mademoiselle Prigent comme autre chose qu’un monstre de ce qu’on ne peut pas définir : moche mais peut-être pas tant que ça car elle avait de beaux yeux bleus, snob mais pas noble car elle était trop loin du peuple, qui ne sourit jamais mais qui se moque de notre ignorance à froid, car rien ne la faisait rire du moins visiblement, et qui en plus s’est cassée la gueule dans le bus et avait un plâtre à la jambe pendant six mois. Mince, l’emportement sans doute a eu raison de son anonymat.

Bref, ça chahutait sec à ses cours. Tout le monde avait sur son bureau ouvert le cours de maths du matin, tant qu’à perdre son temps, autant relire la démonstration de ce matin, ça a l’air plus simple que te prendre l’accent préché par cette harpie.

En prépas, on a ce qu’on appelle des “colles”. Deux fois par semaine, on passe en binôme ou trinôme devant un prof de maths ou de physique au tableau à faire l’exercice. Il y avait des salles de colles de deux mètres carrés dans mon lycée. L’anglais, cétait une fois par mois je crois. J’avais donc eu bien des colles d’anglais dans un hôtel avec ce professeur hors du commun des motels. Son grand exercice sadique restera à jamais un souvenir marquant d’initiation punitive. Tu dois prendre dans la gueule et ne pas broncher d’un millimètre. Tous les élèves sont les mêmes, ignorants, trouillards et incapables. C’était Full Metal Jacket.

Son jeu était de dire à l’un de nous quatre (et oui j’était dans le seul quadrinôme de la classe) une phrase en français que l’on devait traduire et recracher derechef.

Mais attention, les phrases n’étaient ni de près ni de loin du genre “ Quel heure est-il ? ” ou “ Le chat s’appelle Felix “.

De son air supérieur et sa voix haut perchée, elle psalmodiait donc la phrase demandée avec, dans des intonations imperceptibles de sa voix, un parfum de mélancolie car elle savait que cet élève lambda fera montre de sa méconnaissance crasse de l’anglais. Les pépites et les délices de cette langue suprême ne sont pas pour lui, je le savais par avance, je me fige et me satisfais devant ma prescience…

Quelle perfection. Elle demande la traduction d’une phrase à mon voisin :

– Fier comme Artaban, il ne fit qu’une bouchée du veul vicomte.

Ce n’est pas passé loin cette fois. Devant le respect exprimé par l’élève scotché et littéralement collé, la professeur reprend la parole pour expliquer pourquoi ceci, pourquoi pas cela, sur l’histoire de cette citation, de l’étymologie des mots et de leurs variantes anciennes. En une heure, on faisait dans les trois phrases par personne…

Puis on s’est aperçu en partageant nos mésaventures que les phrases étaient les mêmes d’une colle sur l’autre. Les deux-trois colles du mardi avaient pour matière les mêmes phrases. Et qu’est-ce qu’il fait l’esprit un peu malin à votre avis ? Il demande la liste des questions juste avant de rentrer en colle bien sûr au groupe qui quittait les lieux.

Mais il y avait plusieurs problèmes avec cette technique. Le premier trinôme devait essuyer les plâtre pour sauver le second. Et qui dit bonnes réponses à tous les coups dit plus de questions, et même pas de suspicion. Cette vieille chouette, qui n’a je crois jamais été jeune, n’a jamais su qu’on se moquait d’elle ouvertement.

On répond juste, elle opine d’un oui franc et froid, mais pas surjoué. On passerait presque à la question prochaine. Presque car elle se croit obligée de démontrer la perfection de sa connaissance de la traduction, sa vie, son oeuvre, bref il faut que ça prenne au moins cinq bonnes minutes sinon elle serait elle aussi à court de phrases. Peut-être même qu’elle rêve de tomber à sec à cause d’un élève de sa trempe dont elle pourrait enfin tomber amoureuse et satisfaire sa soif sexuelle réprimée, enfin avec un être de son espèce.

Bon, il ne faudrait quand même pas que cela tourne à la psychose. Mais il est vrai que je n’ai rien compris à cette personne. Et ça m’appartient.

Tu sais d’où ça vient Kitkat ?